La playlist VIP par Mathias Malzieu du groupe Dionysos

Dionysos, le groupe

En novembre 2023 le groupe Dionysos a sorti l’album « L’Extraordinarium » parcourant leur répertoire avec plein plein d’amis.
Le groupe est sur la route actuellement. Et Mathias Malzieu était invité au Printemps de Bourges pour une création. L’occasion pour nous de lui demander quels sont les dix titres préférés du moment.

La playlist VIP :

  • « Rock Around The Clock » – Bill Haley & His Comets : C’est la chanson que mettait mon père sur la platine le dimanche après manger et que je pense que inconsciemment ça m’a donné envie et donné des pulsions de rock’n’roll. Je continue d’aimer beaucoup cette chanson à chaque fois que je l’entends et je me rappelle de cette atmosphère d’enfance. Quand on allait ensuite jouer au foot, où on s’enmitoufflait un peu l’hiver. Et c’était systématique. Il y avait aussi plein d’autres chansons, mais il mettait toujours celle-là en premier. Il y avait un peu de swing dedans. On est au moment où tout va se transformer avec Elvis et donc c’est forcément un moment de combustion qui me plaît.
  • « Some Velvet Morning » – Lee Hazlewood et Nancy Sinatra : C’est sur l’album « Nancy & Lee ». C’est un duo, on dirait un espèce de chanteur bariton, qui chante avec Nancy Sinatra, qui prend la voix dans l’aiguë. Et c’est comme un dessin animé romantique, de comédie musicale cartoon, à la fois grave et sautillante. La partie de Lee Zellwood est très violoncelle, avec des accords très mineurs, on a presque l’impression d’être dans un film de James Bond. On sent presque un deuxième degré. Tout d’un coup, il y a la petite fée qui arrive. On s’envole, on bascule en valse et on passe du mineur au majeur et on a l’impression que c’est normal. C’est vraiment un film. Même si on ne comprend pas les paroles on est embarqué dans un petit écosystème d’un vrai ailleurs. C’est une grande chanson de cinéma miniature.
  • « Ces gens-là » – Jacques Brel : La première fois que je l’ai vu interpréter cette chanson sur une vidéo, j’ai compris pourquoi j’aimais tant le punk rock, ou pourquoi j’aimais tant le blues du Mississippi. En fait ce qui me plaît, peu importe le style, c’est l’intensité. L’intensité, le don, peu importe la performance sportive. Brassens avec son côté pince sans rire sur son tabouret avec ses arpèges n’est pas moins intéressant que le Jacques Brel qui est en sueur. La sueur ne donne pas gage d’intensité forcément, il peut être gage de posture aussi, mais lui non. Lui je trouve que la sueur est juste. Je sais pas si elle est vraie, on s’en fout un peu, mais en tout cas elle est juste. Il y a une puissance, il y a une ironie. C’est une petite chanson qui justement mérite de ne pas être militante, de ne pas être une chanson de point levé. C’est une chanson, je ne sais même pas si elle est engagée, mais elle est engageante parce qu’elle vous raconte une histoire qui vous pose des questions, qui ne vous donne pas une réponse toute faite. Elle vous fait se questionner même sur le narrateur omniscient avec son histoire de chat à la fin, on ne sait pas vraiment. Donc il y a une possibilité de nuances.
  • « Le courage des oiseaux » – Dominique A : C’est sur l’album « La Faucette ». Il fait tout avec ses petites machines, ses petits claviers à la maison et j’adore justement le décalage entre la production qui est sommaire, presque lo-fi, brute. Mais ça ne l’est pas complètement il reste un petit peu outsider ce morceau parce qu’il est produit avec des claviers bontampi dans les années 90. Mais pour moi c’est un classique.
    « Et voilà le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé » je trouve que c’est une formule absolument extraordinaire. C’est une vraie chanson de poète au beau sens du terme, pas au poète qui se prend pour un poète. C’est un vrai poème. Je trouve que c’est une grande petite chanson, une petite grande chanson et elle est très chère à mon coeur.
  • « Pluto » – Björk : C’est sur l’album « Homogenic ». C’est la chanson pour passer ses nerfs. C’est une espèce de chanson avec des cordes et des rythmiques électroniques saturées à l’extrême. Sa voix est saturée. Elle hurle et en fait c’est un morceau de punk rock symphonique. Donc ça pourrait être comme ça grandiloquent, oulala, punk rock symphonique, oulala ça va être un étouffe chrétien, ça va être un gâteau trop chargé, pas du tout. En fait c’est une espèce de cristal fragile et coupant. C’est une chanson coupante.
  • « Territorial pissings » – Nirvana : Je fais la transition avec cette chanson qui est sur l’album « Nirvana 9 », qui là est une vraie chanson de punk rock avec un grand roulement et un up-tempo et des cris. Qu’est-ce qu’on a hurlé avec le groupe, mis cette chanson à fond dans le camion et se jeter les uns sur les autres sur les banquettes parce que l’adrénaline du concert n’arrivait pas à redescendre et qu’on avait encore besoin de faire les idiots au joli sens du terme. Ce sont deux chansons de colère mais joyeuses. C’est pas du tout destructeur, c’est pas dark. Ce sont des chansons « Peter Pan-esque », pour faire un peu les idiots au bon sens du terme
  • « The Mercy Seat » – Nick Cave and the Bad Seeds : Pareil que pour « Ces gens là » c’est une chanson histoire avec quelques punchlines extraordinaires. En gros tout le long de la chanson il parle de quelqu’un qui va sur la chaise électrique. C’est quelque chose qui questionne sur la peine de mort.
  • « Le gorille » – Georges Brassens : Ce n’est pas une chanson militante non plus. C’est pour ça qu’elles sont intéressantes elles ne donnent pas une réponse elles permettent de se questionner. Ce qui à mon avis est beaucoup plus efficace parce que quand on adhère à quelque chose c’est parce qu’on se l’est approprié, pas parce qu’on nous l’a dit. Il n’y a pas de slogan. Et tout le long on se dit je n’ai pas peur de mourir et à la fin on dit j’ai pas peur de mourir et en fait je crois que j’ai menti. Et c’est une grande chanson épique comme ça qui tourbillonne un peu comme elle me fait penser à « l’oiseau noir » de Barbara parce que il n’y a pas vraiment de refrain ni de couplet et c’est une chanson qui évolue qui change de tonalité, qui rentre en tourbillon et qui est extraordinairement hypnotique sur scène. Ele a été magnifiquement reprise par Johnny Cash d’ailleurs. Dans ses albums American Recordings où il est juste avec Cock Robin avec sa folk, un piano quand il était déjà assez âgé. Magnifique reprise. La version album de Nick Cave est un peu raide. La chanson est très forte, mais elle peut être un peu New Wave, un peu froid. Mais ces versions live, c’est vraiment des moments de bravoure. C’est chamanique sans se prendre au sérieux. C’est généreux et hypnotique.
  • « Katie cruel » – Karen Dalton : C’est une chanteuse folk qui avait repéré Bob Dylan dans le New York des années 60, Greenwich Village tout ça. Elle s’est accompagnée à la guitare ou au banjo et ça c’est une chanson au banjo avec un violoniste. Elle a une voix qui sonne un peu comme une trompette. ça pourrait être très péjoratif mais non en fait. C’est un peu comme Janis Joplin. Elle a une voix qui somme comme un instrument étrange avec des mots. Beaucoup n’aiment pas du tout car ça a beaucoup de caractère. C’est comme un vin ou un whisky très tourbé. C’est à la fois complètement évanescent et pas virtuose parce que c’est pas technique mais c’est tellement senti et en même temps c’est une voix qui vient de la forêt. J’aime toutes ses chansons mais il y a une grâce et une tension toute particulière sur ce titre.
  • « Chocolate Jesus » – Tom Waits : J’adore cette histoire. J’aime beaucoup quand les chansons sont des histoires, pas que. Il y a plein de chansons non-histoires que j’adore, mais là c’est l’histoire d’une messe. Pour attirer un petit peu les enfants, les prêtres filent des chocolats plutôt que des hosties et c’est très tendre parce que j’aime quand on peut parler de religion de manière laïque. ça pourrait paraître un peu anticlérical et en même temps tendre. Les histoires et les chansons nous permettent de vivre ensemble. On peut ne pas croire et s’amuser de cette chanson. Et si on croit et qu’on est un peu ouvert d’esprit, on peut en rire quand même. On peut tous chanter cette chanson. Et moi j’adore ça. Ce que je préfère au monde, c’est discuter avec quelqu’un avec qui je ne suis pas d’accord et dire « putain t’as raison ». Je ne suis pas du tout croyant, mais j’aime quand quelqu’un qui croit ne va pas me faire croire, mais son cheminement philosophique me plaît. Et dans cette chanson, je trouve qu’il y a cette tendresse en fait, cette candeur, la candeur qui n’est pas la naïveté qui est juste un espèce de truc joyeux comme un bonbon, mais un bonbon qui n’est pas au bon endroit et qui pose plein de questions des deux côtés sur celui qui en a rien à foutre de l’église mais qui va bouffer son chocolat et celui de l’église qui sait que normalement la gourmandise est un péché. C’est une frontière joyeuse et géniale.
  • « Quand j’aurai du vent dans mon crâne » – Boris Vian : J’étais parrain de son centenaire, il m’a beaucoup inspiré à tous les niveaux. Et j’ai eu la chance de chanter une chanson sur mon spectacle avec Darian Nelson l’an dernier. Il ne l’a jamais chantée. Elle a été chantée par Serge Reggiani. C’est chanson de fantôme, de quelqu’un qui parle de comment il se représente quand il va mourir. Et c’est drôle ! ça fait peur un peu, donc il y a des ambiances un peu à la Kurt Veil un peu comme Tom Waits parfois, comme dans certaines bandes originales de Tim Burton, des accords un peu dissonants, un peu monstrueux. Donc on est un peu dans une parade monstrueuse.

Le clip « Song for Jedi » avec M :

Mathias Malzieu sur le web :

Wikipedia

Dionysos sur le web :

Le site officiel

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